Ouverture à la société : quel est notre bilan ?
Quinze ans déjà ! En 2009, l’Agence figurait parmi les premiers signataires de la Charte d’Ouverture à la Société des établissements publics de recherche, d’expertise et d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux. Mathieu Baudrin, chargé des relations avec les parties prenantes à l’Anses, fait le point sur nos pratiques de dialogue et d’ouverture avec la société civile organisée. Il explique comment elles contribuent à enrichir les productions scientifiques de l’Anses et sa mission d’information des publics.
L’ouverture à la société est un principe fondateur de l’Anses. Avec le recul, en quoi ce principe est-il si fondamental pour l’Agence ?
Un acteur produisant des connaissances pour l’action publique ne peut absolument pas faire abstraction des inquiétudes et des débats émanant de la société civile. L’Anses, en tant qu’agence d’expertise, doit garantir son indépendance scientifique mais aussi assumer, et même organiser, les discussions sur ses travaux d’expertise.
Qu’il s’agisse de nouvelles techniques génomiques, de 5G, d’effets des réseaux sociaux sur les adolescents, de bien-être animal, de propagation des insectes vecteurs, de contaminations de l’environnement, de santé des travailleurs, pour ne prendre que ces quelques exemples, de nombreux travaux d’expertise que nous menons portent sur des questions sanitaires complexes qui suscitent des préoccupations, souvent relayées dans les médias. Le dialogue avec les parties prenantes, organisé selon des processus spécifiques, permet de factualiser les enjeux autour de ces questions et de clarifier le travail scientifique de l’Agence. Il sert aussi à enrichir nos travaux avec d’autres formes de savoirs qui ne sont pas systématiquement couverts par la littérature scientifique ou les banques de données. Ce dialogue, comme tout bon dialogue, fonctionne dans les deux sens et présente un réel intérêt pour les deux parties.
Pour interagir avec les parties prenantes et notamment les associations, organisations professionnelles et syndicats, l’Agence s’est dotée de dispositifs de dialogue dont le quatrième, le comité de dialogue sur les biotechnologies, a été créé en 2022. Au cours des processus d’évaluation des risques sanitaires, les collectifs d’experts peuvent également auditionner des parties prenantes, voire les solliciter dans le cadre de consultations publiques. En parallèle, l’Agence doit veiller à cadrer les sollicitations venant des parties prenantes et à se protéger des tentatives d’influence. Elle a renforcé en 2020 la charte qui encadre ses relations avec les porteurs d’intérêt.
« La qualité de nos travaux va de pair avec la qualité des relations que nous entretenons avec les parties prenantes. »
L’expertise scientifique repose sur l’exploitation de connaissances scientifiques préexistantes. Quelles sont vos initiatives pour ouvrir la recherche aux parties prenantes ?
En s’appuyant sur nos comités de dialogue sur les nanomatériaux, les radiofréquences et les biotechnologies, nous avons récemment proposé des rencontres entre parties prenantes et chercheurs. Ces ateliers ont permis de dégager plusieurs grandes questions à la recherche relatives à ces domaines. Une journée de restitution et de synthèse est prévue début 2025 pour les participants à ces ateliers.
Nous explorons par ailleurs de nouveaux formats de recherche participative. Sur la question de la qualité de l’air par exemple, nous avons organisé une « restitution augmentée » en 2023 concernant l’expertise sur les microcapteurs. A cette occasion, les parties prenantes ont échangé toute une journée sur la place des citoyens dans la production de connaissances robustes sur la qualité de l’air, avec à la clé un projet visant à former les citoyens à la réalisation de mesures de la qualité de l’air, soutenu par l’Anses. Aussi, toujours sur ce thème de la qualité de l’air, nous finançons actuellement un projet de recherche qui documente les formes de mobilisation citoyenne dans la production de savoirs dans trois grandes villes de France : Marseille, Paris et Strasbourg. Nous envisageons des initiatives de même type sur d’autres thématiques.
L’Anses met en œuvre plusieurs dispositifs de collecte participative de données de surveillance. Quel est votre retour d’expérience ?
Les projets participatifs pour mieux surveiller la présence d’insectes vecteurs comme les tiques et moustiques font partie des initiatives phares co-portées par l’Agence. On peut citer en particulier le programme Citique et le projet Tiquojardin pour mieux connaître la présence des espèces de tiques et des pathogènes qu’elles véhiculent en France. Ce projet a permis de compléter les données afin de déterminer les facteurs environnementaux qui influencent la présence de tiques dans les jardins.
Ces expériences le prouvent : la participation des citoyens permet de tirer parti d’autres manières d’investiguer les phénomènes d’émergences en santé publique, notamment sur les zoonoses. Concernant les moustiques, il est question d’étendre le portail de signalement sur le moustique tigre à de nouvelles espèces de moustiques afin de mieux anticiper les risques épidémiques.