Encéphalite à tiques : remonter à l'origine des cas de transmission via le fromage
Des cas de contaminations humaines par le virus de l'encéphalite à tiques via l'alimentation ont été observés pour la première fois en France en 2020. Plusieurs laboratoires de l'Anses se sont mobilisés afin d'en comprendre les circonstances, d'améliorer la détection du virus dans les produits au lait cru et de prévenir ainsi les risques de contamination similaires. Les premiers résultats de leurs travaux sont parus récemment.
Au printemps 2020, 43 personnes habitant l’Ain ont souffert de méningites, de méningo-encéphalites ou de symptômes grippaux causés par une contamination par le virus de l’encéphalite à tiques (TBEV). Elles avaient toutes consommé du fromage de chèvre au lait cru.
Il s’agissait de la première infection par voie alimentaire connue en France, le TBEV se transmettant généralement par piqûres de tiques. « En avril 2020, le premier confinement a favorisé la consommation de produits locaux, rappelle Gaëlle Gonzalez, chargée de projet à l’unité de virologie du laboratoire de santé animale de l’Anses. Le fait que les cas soient groupés a facilité l’identification de l’origine de la contamination. ».
Les laboratoires de santé animale, de sécurité des aliments et de la rage et de la faune sauvage de l’Anses ont participé aux investigations menées dans l’exploitation agricole où ont été produits les fromages suspectés d’être à l’origine de la contamination. Les résultats de ces travaux scientifiques, qui ont également impliqué d’autres équipes françaises d’infectiologie, ont été publiés dans la revue Frontiers in microbiology.
Tracer le virus des fromages jusqu’aux tiques
Il est apparu que tous les fromages impliqués provenaient d’une même exploitation. Suite à l’alerte sanitaire, les fromages ont été retirés du marché afin d’éviter d’autres contaminations. En parallèle, les chèvres ont été confinées à l’intérieur.
Un quart des chèvres présentaient des anticorps contre le virus de l’encéphalite à tiques, ce qui indique qu’elles avaient été exposées au virus et que celui-ci était assez fortement présent dans la zone. Le virus a été détecté dans le lait de trois d’entre elles. Sachant que le TBEV peut être excrété dans le lait jusqu’à 23 jours après l’infection, les chèvres avaient été contaminées récemment. Des tiques porteuses du virus ont été trouvées dans le sous-bois présent dans la pâture des chèvres, elles sont probablement à l’origine de leur infection.
Ce premier cas d’infection par voie alimentaire en France a souligné l’importance de disposer de méthodes efficaces pour la détection du virus de l’encéphalite à tiques dans les produits laitiers. Les scientifiques de l’Anses ont donc participé à l’évaluation de la méthode utilisée pour s’assurer qu’elle était suffisamment sensible et spécifique au TBEV.
Des infections en dehors de l’aire géographique connue du virus
Ces contaminations ont pour la première fois révélé la présence du virus de l’encéphalite à tiques dans l’Ain, alors que sa présence en France était jusque-là surtout connue en Alsace, en Lorraine, en Savoie et en Haute-Savoie. Ce n’est cependant pas étonnant pour les scientifiques, qui savent que l’aire de répartition du virus a tendance à s’étendre depuis l’est de l’Europe et que sa présence peut passer inaperçue. « L’encéphalite à tiques ne cause pas de symptômes chez les animaux. Chez les humains, seuls 10 à 30 % des cas provoquent une méningite ou une encéphalite. Le reste du temps, les symptômes sont de type pseudo-grippal et passent donc inaperçus. », explique Gaëlle Gonzalez, première auteure de l’article publié dans Frontiers in microbiology.
Étudier les facteurs pouvant influencer le risque de contamination
Depuis les premiers cas du printemps 2020, quelques autres cas de contamination par voie alimentaire ont été signalés en France. Des études sont actuellement en cours au sein des laboratoires de l’Anses pour identifier les facteurs pouvant influencer ces risques de contamination.
Une de ces études vise ainsi à comprendre l’effet du microbiote sur le risque de transmission. Elle va prendre en considération l’ensemble des microorganismes présents dans le système digestif des tiques, dans celui des animaux domestiques et dans le lait.
Par ailleurs, on sait que la pasteurisation du lait élimine le virus et que celui-ci ne survit pas dans les fromages ayant un temps d’affinage de plusieurs mois. Une thèse a débuté en 2021 pour déterminer l’incidence des étapes de fabrication du fromage au lait cru sur le virus : diminuent-elles la quantité de virus par rapport à celle présente dans le lait ? Celle-ci est-elle homogène dans tout le fromage ? Ces connaissances supplémentaires devraient permettre de mettre en place des mesures de surveillance et de prévention adaptées.